Ils ont levé la main pour tuer.
Et résonne la question :
« Qu’as-tu fais de ton frère ? (Genèse 4,10) »
Ils s’appellent Arnaud, il était
gendarme ; Jacques, il était prêtre ; Samuel, il était
professeur ; ils étaient anonymes et fêtaient le 14 Juillet ; ils
étaient anonymes et venaient se recueillir dans un lieu de prière ; ils
étaient …
Quelle est la force qui fait
lever le bras et la main pour vouloir prendre la vie, la blesser, la faire
pleurer, la désespérer ?
Vous êtes nombreux à écrire pour
dire la solidarité,
pour dire la fraternité. Merci beaucoup.
Vous avez raison il n’y a pas
d’autre chemin que celui de la fraternité nourrie par la capacité d’aimer.
Nous pensons aux familles et aux
proches de ces personnes fauchées dans leur élan de vie.
Vous avez raison, avec ces crimes
c’est notre humanité qui est atteinte… et résonne la question lancinante :
« Qu’as-tu fais de ton frère ? »
Nous allons fêter Toussaint.
Non pas pour mettre en avant des
êtres supérieurs. Mais pour nous redire que la sainteté c’est la capacité de
donner la vie, particulièrement dans les moments difficiles, dans les moments
de souffrance.
Les saints ce sont des personnes
qui vivent pleinement leur humanité même si elle est remplie de fragilité. Des
personnes qui vivent leur humanité… divinement !
Chaque femme, chaque homme, quel
qu’il soit, est porteur de vie. Chaque femme, chaque homme, quel qu’il soit, a
pour vocation de donner la vie, d’élever la vie. Telle est notre foi.
Au jour de Toussaint nous lisons
l’Evangile de Matthieu au chapitre 5 : « Heureux les pauvres de
cœur..., Heureux ceux qui pleurent…, Heureux les doux…, Heureux ceux qui ont
faim et soif de justice…, Heureux les miséricordieux…, Heureux les cœurs purs…,
Heureux les artisans de paix… »
Ce serait donc cela qui remplit
l’humanité des Saints !
Alors toutes ces personnes nous
rappellent que nous sommes, nous aussi, en capacité de mettre en route cette
humanité porteuse de vie.
Les Saints et les prophètes ont
un regard bienveillant qui aperçoit les signes de vie. Ils cultivent le cœur
des humains afin de permettre à ces signes d’éclore.
Grâce à nos rencontres, à
l’amitié qui est née entre nous sur les chemins de la rencontre et du dialogue,
nous sommes et nous serons actifs, attentifs, humains, fraternels, en dialogue,
afin de rendre nos différences fructueuses et de nous permettre mutuellement
d’élever la vie.
Alors parfois, oui, nous sommes
et serons comme ce père qui attend son fils (Evangile de Luc 15, 11-31). Nous
attendrons, qui un fils, qui un frère… les yeux usés par ce temps long de
l’attente inquiète, par les larmes, par cet horizon qui tarde à remplir notre
espérance de la fraternité.
Et devant nos déceptions, nos
désespérances, aujourd’hui et demain, reprenons les mots de la prière de
Christian de Chergé formulée après la visite au monastère de Tibhirine des
islamistes algériens qu’il appelait les « frères de la
montagne » :
"Je ne peux pas demander au bon Dieu :
"Tue-le !"... Pas possible !
Alors ma prière est venue :
"Désarme-le, désarme-les !" Ça, j'ai le droit de le demander.
Et puis après, je me suis dit : "Est-ce
que j'ai le droit de demander : "Désarme-le !", si je ne
commence pas par dire : "Désarme-moi et désarme-nous en
communauté !"
Et, en fait, oui,
c'est ma prière quotidienne, je vous la confie tout simplement ; tous les
soirs, je dis : "Désarme-moi, désarme-nous, désarme-les ! ”
Christian de Chergé, "L'invincible Espérance" 1997 Éditions Bayard.
Equipe dialogue interreligieux
Diocèse d’Aix et Arles
Jean-Yves Constantin
31 octobre 2020