Dimanche 8 juillet
Ézéchiel 2,2-5
Psaume 122
2e lettre aux Corinthiens 12,7-10
Marc 6,1-6
Qu’ils sont riches ces deux derniers textes !
Leur unité ?
C’est simple :nous sommes faits d’autres,de leurs regards,
qui finit par devenirle nôtre
sur les autres et sur nous-mêmes.
Voyez Jésus : le regard des autres le réduit à la logique générationnelle,
celle du sang, celle du sol, du rang social.
Il est « fils de… ».
Il a « des sœurs qui… »
Avant même de commencer sa vie d’homme unique,
Jésus est sémantisé
de « a » jusqu’à « z », enfermé dans un lignage,
une histoire, un statut social, un discours et des actes prédéterminés,
bref une image de laquelle il lui est difficile de sortir sauf en claquant la porte.
La sémantisation invariante peut prendre
toutes les formes de la violence ou de l’échec,
psychologique et social, surtout quand ce destin vous condamne implacablement
à la répétition de compulsion institutionnelle telle que :
« n’est-il
pas issu d’une famille d’alcooliques, ou de taulards, ou de chômeurs ;
n’est-il pas issu d’un quartier de délinquants ? etc. ».
Pire encore maintenant :
«n’est-il pas issu de telle famille génétique, de tel registre pulsionnel ? »
Évidemment, dans d’autres milieux,
le questionnement porte
sur des repères plus raffinés,
mais la logique sournoise n’y est pas moins catastrophique,
car plus un idéal est élevé et plus il condamne.
« Là Jésus ne peut accomplir aucun miracle »
dit le texte.
Tout
est transparent, au point qu’il n’y a plus de place au surgissement
de la vie multiforme ;
tout est rassurant car rien n’est remis en question :
« ils étaient profondément choqués
à cause de lui » ;
tout est oblitéré parce que « les scientifiques » le disent.
Nous
sommes faits d’autres, il est vrai.
À notre tour, nous faisons les autres, ne l’oublions pas.
Mais il y a la suite, dans
le texte de Paul.
Ce regard des autres qui me gouverne et gouverne mon propre regard sur moi-même
peut en reproduire la mansuétude ou au contraire la dureté,
peut me provoquer à m’accepter ou au contraire
à me mépriser.
Paul, avant sa conversion était un « dur », intransigeant jusqu’à la cruauté
avec sa « droiture », sa « justice », avec les autres et avec lui-même.
C’est ce qu’on lui avait transmis.
Aujourd’hui c’est un homme qui, parce qu’il a accepté
sur lui le regard du Seigneur,
peut dire
«lorsque je suis faible, c’est alors que je suis fort ».
Totale inversion d’un fonctionnement érigé en système.
On imagine mal que la faiblesse de l’autre soit le lieu de l’amour
parce qu’on imagine mal que sa propre faiblesse soit aimable.
Le « monde », celui qui manufacture
notre sens, au privé, au collectif, au politique,
ne va pas dans ce sens, au contraire.
Pourtant c’est le seul chemin de liberté pour qui privilégie l’homme plutôt que
des « valeurs ».
Ne craindre le jugement de personne,
ni le mien, ni celui de mes prouesses, de mon rang, de mes représentations.
Celui de Jésus
me suffit,
non parce qu’il m’amnistie de je ne sais quoi,
mais parce qu’il fait chanter mon désir de vivre.
Finalement,
de qui suis-je le fils ?
Lui demander cette « grâce qui suffit ».
Angelo Gianfrancesco
ds : http://www.garriguesetsentiers.org/